Acculturation
Proposé en 1880 par des anthropologues
américains le terme d'acculturation a reçu des acceptions diverses notamment en migrant dans des
disciplines proches. Ainsi
en psychologie sociale il a souvent
désigné "le processus d'apprentissage par lequel un enfant reçoit la
culture de l'ethnie ou du milieu auquel il appartient". Comme le
note Roger Bastide il serait
plus juste de parler alors d'enculturation ou de socialisation. Quoiqu'il en soit et pour s'en tenir au champ qui nous intéresse ici, proche de l'anthropologie culturelle, nous retiendrons la définition du Memorandum du Social Science
Research Council : " L'ensemble
des phénomènes résultant du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes
avec des changements subséquents
dans les types de culture originaux
de l'un ou des autres groupes."
Cette définition élaborée en 1936 ne pouvait que
sous-estimer les moyens de
communication modernes qui peuvent
rendre virtuel le contact, lequel en cela n'est pas nécessairement direct
au sens de réel. Remarquons aussi ce
propos que si une société peut
être influencée par une autre, un groupe
de migrants peut rester dans un certain contact avec sa société d'origine. Cela est
un fait nouveau rendu possible par la télévision satellite ou Internet.
Les études des processus en cause, conflit, ajustement, accommodation, syncrétisation,
contre-acculturation etc. a conduit décrire des catégories
de différentes manières, toutes plus ou moins équivalentes. Wachtel par exemple distingue les modalités d'intégration, d'assimilation, de syncrétisme,
de disjonction. On peut aussi imaginer deux pôles représentant l'imperméabilité des contacts et l'absorption d'un groupe par un autre, on parlera alors de séparation (ou isolation) pour le premier cas
et d'assimilation pour le second. Entre
ces extrêmes et dans un rapport d'opposition il est classique de distinguer l'intégration et la marginalisation. C'est ce que fait
Assimilation :
abandon de son identité culturelle
pour adopter la culture dominante.
Marginalisation abandon de son identité culturelle sans adopter et/ou rejeter la culture dominante.
Séparation maintien de son identité culturelle sans adopter
la culture dominante.
Intégration maintien de son identité culturelle et adoption
de la culture dominante.
Ces processus d'acculturation, ou d'autres encore si l'on se réfère un découpage différent des catégories, n'apparaissent pas tels quels. Carmel Camilleri les module par exemple en distinguant cinq paramètres
- l'origine, endogène ou exogène
- la vitesse,
- l'étendue, selon le nombre de sous-systèmes atteints,
- la profondeur, relative
la distance du "noyau"
culturel,
- la reliabilité.
Cela étant dit la
notion d'acculturation n'est
pas sans poser de difficultés. J.-F Baré souligne par exemple que "les études
d'acculturation tendent implicitement déchiffrer le changement culturel du point de vue d'un seul des univers en présence, culture
"source" ou culture "cible"." ou encore qu'une "faiblesse de la définition classique tient aux relations qu'elle entretient avec d'autres notions d'inspiration culturaliste ... comme
- contacts culturels : l'ensemble des interrelations culturelles qui se nouent entre deux cultures mises en rapport (direct ou indirecte, physique ou non, continu ou épisodique,
conscient ou inconscient);
- acculturation le processus dynamique
dans lequel s'engage une culture évoluant sous l'influence
d'une autre culture; transculturation : le même processus
déclenché par l'effet de facteurs endogènes (sans mise en contact de deux ou plusieurs ensembles culturels distincts);
- enculturation : les processus de socialisation de l'individu qui,
par l'éducation, l'instruction,
les disciplines du groupe
en général, transmettent chacun des membres
du groupe les modèles, les normes, les systèmes de valeurs caractérisant la culture;
- contre-acculturation : les
attitudes de réserve, de rejet
ou de repli manifestant une réaction du groupe
un début d'acculturation."
Poirier ajoute cette liste
la déculturation et la reculturation
pour qualifier la dégradation culturelle
sous l'influence d'une culture dominante pour le
premier et le retour vers une culture originale pour le
second. Georges Devereux donne
un exemple manifeste de déculturation
« J'entends par déculturation d'un
trait culturel le processus
par lequel on le dépouille du sens qu'il
a dans la culture. Ainsi, lorsque j'utilise un violon comme bois de chauffage, je le déculture Dans la terminologie d'Herskovits,
sont aussi mentionnés les concepts de diffusion, d'assimilation
et d'acclimatation.
Ainsi les usages et les définitions de tous ces termes
demandent ce que soient
explicités les contextes et
les références terminologiques.
Par exemple un masque africain
dans le marché d'art européen est un objet culturel déculturé mais en même temps, en s'intégrant dans l'univers culturel occidental, il se "culturalise" et acquiert d'autres sens. Parler comme on le fait aujourd'hui d'art premier et transférer
des objets du Musée de l'Homme vers le Musée des Arts Premiers du quai Branly
représente une nouvelle déculturation. Ce dernier transfert parachève en réalité un mouvement
d'appropriation de l'objet.
Pour paraphraser Devereux cité
précédemment "lorsque j'utilise un masque comme objet d'art, je le déculture."
Nous adoptons pour acculturation la définition
proposée par le Memorandum citée
plus haut mais sans nier
les difficultés et en notant que son utilisation mérite beaucoup de
prudence épistémologique.
Les pratiques
interculturelles ne peuvent pas rester neutres devant les phénomènes de l'acculturation.
Elles s'exercent qu'on le veuille ou non dans un
cadre politique et idéologique
préexistant dans lequel agissent les acteurs de ces pratiques. Par exemple le contexte français avec son idéologie républicaine marquée par un citoyen universel, par une certaine conception de la laïcité,
par des rapports historiques singuliers
avec la majorité des populations immigrées
etc. n'est pas identique au
contexte canadien, lequel est traversé
par une conception du multiculturalisme et une
immigration essentiellement de peuplement.
Les pratiques qui s'exercent
en
En
Nous soulignons enfin que les approches interculturelles ne doivent pas être les alibis de difficultés et de problèmes qui relèvent plus de la précarité sociale et économique que des différences culturelles. Les écarts entre
classes socio-économiques sont
beaucoup d'égards souvent plus importants que les écarts entre communautés culturelles.
Notes et références bibliographiques.
Redfield (R), Linton (R), Herskovits
(MJ), Memorandum on the study of acculturation, in American
Anthropology, n°38, 1936 - retour
Bastide
(R), Acculturation, in Encyclopedia Universalis,
1-114 c et suivant, 1998 - retour
Berry (J), Acculturation et
adaptation psychologique, in La recherche
interculturelle, tome 1, Paris, L'Harmattan,
1989 - retour
Camilleri
(C), Cohen-Emerique (M), Chocs
de cultures, Paris, L'Harmattan, 1989, p.29 - retour
Baré
(J.-F), Acculturation dans Dictionnaire
de l'ethnologie et de l'anthropologie
de Bonte (P) et Izard (M),
Paris, PUF, 2e éd.1992, p.2 - retour
Poirier (J), Ethnies et cultures, in Ethnologie
régionale, Paris, Gallimard,
Encyclopédie de la Pléiade,
1972, p.24-25 - retour
Wachtel
(N), L'acculturation, in Le Goff (J), Nora (P), Faire
de l'histoire, Paris, Gallimard,
T1, 1974 - retour
Devereux Georges, Essais d'ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, coll.
TEL, 1977, note p.340
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