Angine de poitrine Épidémiologie, étiologie, physiopathologie, diagnostic, évolution, traitement
Plan :
Compléments :
Epidémiologie Athérosclérose coronaire Physiopathologie Diagnostic
positif Diagnostic différentiel Evolution
Traitement
Points forts à comprendre Points forts à retenir
Prise en charge thérapeutique d'un angor instable Les prothèses endo-coronaires ou stents
Angine de poitrine
Epidémiologie
L'angine de poitrine, traduction clinique de l'ischémie myocardique, est une pathologie extrêmement fréquente dans les pays industrialisés. Il s'agit de la manifestation clinique habituelle des patients présentant une athérosclérose coronaire. L'athérosclérose avec ses multiples localisations (coronaire, carotidienne, membres inférieurs, etc.) représente, en France, un problème de santé majeur, en terme de mortalité (il s'agit toujours de la première cause de mortalité avec plus de 200 000 décès annuels), mais aussi de morbidité et par conséquent de coût. Étiologie
Athérosclérose coronaire
L'athérosclérose coronaire est responsable de la grande
majorité des cardiopathies ischémiques. Un certain nombre de facteurs de risque
ont été mis en évidence et constituent la base des stratégies préventives.
Il existe incontestablement un facteur génétique (risque accru en cas
d'antécédent familial d'athérosclérose) ; certaines études récentes ont permis
de mettre en évidence des " polymorphismes " génétiques pouvant être
des marqueurs d'un risque élevé.
L'hypercholestérolémie est l'un des facteurs de risque les plus importants. Le
risque est fonction de la valeur de cholestérol (plus exactement fonction de la
valeur du rapport LDL-cholestérol/HDL-cholestérol). L'hypertriglycéridémie est
également athérogène mais à un moindre degré.
Le tabagisme est aussi un facteur de risque majeur. Le risque est fonction de
l'importance et de l'ancienneté de l'intoxication.
Le risque associé à l'hypertension artérielle est fonction de l'importance et
du contrôle des chiffres tensionnels.
Parmi les autres facteurs, on connaît le diabète, l'obésité, la sédentarité, le
stress. Il faut savoir que ces facteurs de risque ont un effet cumulatif
lorsqu'un sujet présente plusieurs anomalies.
Autres causes
Elles sont beaucoup plus rares. On peut citer les lésions ostiales de l'aortite syphilitique, certaines anomalies de naissance des artères coronaires. L'angine de poitrine peut également s'observer en cas d'hypertrophie ventriculaire gauche sévère due à une hypertension artérielle, à une cardiomyopathie primitive ou à une valvulopathie aortique. Certaines anémies très sévères peuvent parfois entraîner une symptomatologie d'angine de poitrine, mais une atteinte athéroscléreuse associée sera toujours à rechercher.
Physiopathologie
Mécanismes de l'ischémie myocardique
L'ischémie myocardique est la conséquence d'un
déséquilibre entre les apports et les besoins en oxygène du myocarde. Il peut
s'agir d'une insuffisance d'augmentation des apports à l'effort, en raison
d'une sténose coronaire qui réduit significativement la lumière d 13113r1713n u vaisseau.
Il peut aussi s'agir d'une brusque diminution du flux coronarien comme par
exemple lors d'un spasme coronaire.
Conséquences de l'ischémie myocardique
Les perturbations sont successivement :
- Hémodynamiques : anomalies de la relaxation, baisse de la compliance et
élévation des pressions de remplissage du ventricule gauche.
- Métaboliques : augmentation de la production de lactates.
- Électrocardiographiques : sous-décalage du segment ST. La douleur angineuse
n'apparaît que lorsque l'ischémie a atteint une intensité et une durée
suffisante.
Différents types d'angor
Dans l'angor stable, l'augmentation de la consommation d'oxygène réalisée par l'effort ne peut être satisfaite au-delà d'un certain seuil du fait de sténoses coronaires serrées. Une ischémie myocardique peut apparaître lorsqu'il existe une sténose réduisant de plus de 50 % le dimaètre d'une coronaire épicardique (> 75 % de réduction en terme de surface). Dans l'angor stable, les signes d'ischémie myocardique surviennent généralement pour un niveau d'effort bien déterminé (d'où le terme d'angor stable).
L'angor instable peut survenir chez des
patients jusqu'alors asymptomatiques ou ayant déjà présenté des manifestations
d'angor stable. Dans l'angor instable, l'angor survient pour des efforts de
plus en plus minimes ou au repos (d'où le terme d'angor instable).
Le mécanisme physiopathologique habituel de l'angor instable est la rupture
d'une plaque d'athérome (ce phénomène peut survenir au niveau d'une plaque déjà
sténosante ou au niveau d'une plaque non significative).
Cette rupture de plaque va entraîner la formation d'un thrombus qui va rétrécir
sévèrement la lumière vasculaire. En fonction de conditions locales
(évolutivité du thrombus, vasomotricité) le rétrécissement pourra être plus ou
moins critique, ce qui explique les épisodes de douleur au repos. En l'absence
de prise en charge thérapeutique urgente, le risque est bien sur la thrombose
complète du vaisseau qui va entraîner un infarctus du myocarde.
Diagnostic positif
Angine de poitrine stable d'effort
Clinique
- Interrogatoire : le diagnostic d'angine de poitrine est essentiellement porté
à l'interrogatoire. La douleur typique est rétrosternale, constrictive ; elle
irradie dans la mâchoire et classiquement dans le membre supérieur gauche ;
elle survient à l'effort (marche, temps froid, vent contraire) ; elle impose
généralement l'arrêt de l'effort et disparaît en quelques minutes ; si le
patient prend de la trinitrine par voie sublinguale, la douleur cède rapidement
(quelques minutes). La douleur peut toutefois être plus atypique (simple gêne
thoracique, pas d'irradiations, siège épigastrique.).
L'interrogatoire doit aussi impérativement rechercher des facteurs de risque de
maladie coronaire (tabagisme, hypercholestérolémie, diabète, hypertension, antécédents
familiaux.).
L'existence ou l'absence de facteurs de risque coronaire sont en effet très
précieux pour déterminer la conduite à tenir devant une douleur thoracique (par
exemple, une douleur assez atypique survenant chez un patient aux multiples facteurs
de risque devra retenir au moins autant l'attention qu'une douleur typique
survenant chez un patient sans facteurs de risque).
- Examen physique : Il est souvent normal. On recherchera des signes en faveur
d'autres localisations d'athérosclérose : artérite des membres inférieurs,
souffle de sténose carotidienne.
Examens paracliniques.
- ECG de repos : il est souvent normal ce qui n'exclut en rien le diagnostic.
On peut parfois observer les séquelles d'un infarctus passé inaperçu (ondes Q)
ou d'autres signes évocateurs d'atteinte coronarienne (sous-décalage du segment
ST, inversion de l'onde T).
- ECG d'effort : Il s'agit d'un examen paraclinique très utile au diagnostic.
En l'absence de contre-indications (angor instable, sténose aortique serrée,
cardiomyopathie obstructive, hypertension artérielle sévère non contrôlée,
insuffisance cardiaque décompensée), il s'agit d'un examen qui fait courir de
très faibles risques au patient. L'effort est progressif et peut se faire sur
vélo ou sur tapis roulant. L'arrêt de l'effort est nécessaire en cas
d'épuisement, de crise d'angine de poitrine intense, de troubles du rythme
ventriculaire, d'élévation trop importante ou au contraire de diminution nette
de la tension artérielle. Le critère habituel de positivité est l'apparition
d'un sous-décalage de ST horizontal ou descendant de 1 mm au moins, avec ou
sans douleur angineuse associée, au maximum de l'effort ou au début (1re
minute) de la récupération. Il faut cependant bien savoir que l'épreuve
d'effort ne permet pas un diagnostic de certitude et qu'il existe un certain
nombre de faux négatifs et de faux positifs.
L'épreuve d'effort est plus difficilement interprétable lorsqu'il existe des
troubles de la repolarisation important sur l'ECG de repos (bloc de branche
complet par exemple).
L'ECG d'effort est en plus l'un des éléments essentiels du pronostic. Une
épreuve de durée brève, fortement positive, associée à une chute de tension
artérielle à l'effort est en faveur de lésions graves (sténose du tronc coronaire
gauche, lésions tritronculaires). À l'inverse, une épreuve d'effort de durée
longue, faiblement positive est généralement de bien meilleur pronostic.
- Scintigraphie myocardique. Elle consiste en une injection intraveineuse de
thallium au maximum de l'effort ou après injection de dipyridamole. On réalise
des clichés à l'effort et aussi des clichés dits " de redistribution
" après quelques heures. Une hypofixation du traceur apparaissant à
l'effort et persistant lors de la redistribution est en faveur d'une nécrose
myocardique. Une hypofixation qui n'est visible qu'à l'effort est en faveur
d'une ischémie myocardique transitoire.
La sensibilité et la spécificité de la scintigraphie myocardique au thallium
sont un peu meilleures que celles de l'épreuve d'effort mais il existe toujours
un risque de faux positifs et de faux négatifs. La scintigraphie est surtout
réalisée en cas de doute après l'épreuve d'effort ou pour aider à une décision
de revascularisation myocardique.
- Autres examens non invasifs. Ils ne sont pas indispensables, l'enregistrement
Holter est surtout utile en cas d'angor spontané ; l'échographie permet une
analyse de la cinétique segmentaire à la recherche d'une akinésie ou d'une
hypokinésie localisée. L'échographie peut aussi avoir un intérêt diagnostique
lorsqu'elle est sensibilisée par l'administration de dobutamine.
- Coronarographie (fig. 1).
Elle permet un diagnostic anatomique des lésions coronaires au prix d'un risque
extrêmement faible lorsqu'elle est réalisée par un opérateur entraîné. Elle est
indiquée en cas de doute diagnostique, en cas de signes de gravité (angor
invalidant, épreuve d'effort très positive) et pour certains dans presque tous
les cas dans la mesure où elle peut permettre de discuter d'un geste de
revascularisation myocardique.
Elle précise le siège des sténoses au niveau des artères coronaires (tronc
commun de la coronaire gauche, interventriculaire antérieure, circonflexe,
coronaire droite).
Elle permet de préciser la sévérité des lésions : une sténose est dite
significative si elle réduit la lumière vasculaire de plus de 50 %.
La coronarographie est généralement accompagnée d'une ventriculographie gauche
qui permet d'apprécier la cinétique segmentaire et la fraction d'éjection du
ventricule gauche qui est un élément très important du pronostic du patient
coronarien.
Angine de poitrine instable
Clinique. Les douleurs ont les caractéristiques habituelles de l'angine de poitrine mais ce sont les circonstances de survenue qui doivent attirer l'attention. Elles peuvent survenir au repos ou pour des efforts minimes dans l'angor " de novo ", assez souvent, il peut s'agir de la déstabilisation d'un angor préexistant avec des douleurs qui deviennent de plus en plus fréquentes, pour des efforts de moins en moins importants (angor " crescendo "). Les douleurs sont souvent plus longues et moins sensibles à la trinitrine que dans l'angor stable. Ce tableau clinique doit absolument être reconnu pour permettre une prise en charge thérapeutique rapide du fait du risque élevé d'infarctus du myocarde. Comme dans le cas de l'angor stable, l'examen clinique est souvent normal.
Examens paracliniques.
- ECG de repos.
L'électrocardiogramme intercritique est tantôt normal, tantôt anormal.
Lorsqu'elles existent, les anomalies sont le plus souvent une inversion de
l'onde T dans le territoire intéressé par l'ischémie ou un sous-décalage du
segment ST
Il est très important d'obtenir un ECG pendant une crise douloureuse : ce tracé
percritique permet en effet d'authentifier la nature ischémique de la douleur
et de localiser le territoire ischémique.
On observe le plus souvent un sous-décalage du segment ST (courant de lésion
sous-endocardique) ; ce sous-décalage est localisé dans le territoire qui
dépend de l'artère responsable et peut être plus ou moins important.
Plus rarement, les anomalies de l'ECG se présentent sous la forme d'un
sus-décalage du segment ST (courant de lésion sous-épicardique) ou de
modifications de l'onde T (négativation, repositivation). Dans tous les cas les
modifications sont transitoires et disparaissent spontanément ou après prise de
dérivés nitrés ; si les modifications de l'ECG et la douleur persistent, il
faut craindre l'évolution vers un infarctus du myocarde.
Il faut toujours, en cas de douleur thoracique, réaliser un tracé percritique
et un tracé quelques minutes après administration de dérivés nitrés, même si le
tracé percritique apparaît normal ; en effet, dans certains cas, le tracé
intercritique peut être anormla à type d'inversion de l'onde T et se normaliser
pendant les crises douloureuses (on parle de pseudo-normalisation de l'onde T).
L'obtention d'un tracé percritique n'est toutefois pas toujours facile. Le
monitorage en continu de l'ECG et l'enregistrement Holter peuvent, en cas
d'angor instable, apporter des éléments supplémentaires pour le diagnostic et
pour le pronostic (en permettant d'identifier des épisodes ischémiques
pauci-symptomatiques voire complètement indolores).
- Examens biologiques. L'absence d'augmentation des enzymes cardiaques (CPK,
CPKmb) est un critère important du diagnostic. Une élévation (même modeste) des
enzymes, en l'absence de modifications importantes et permanentes, est en
faveur d'un infarctus sans ondes Q.
- Les tests d'effort. L'épreuve d'effort et la scintigraphie au thallium
d'effort sont contre-indiqués pendant la période d'instabilité. Après
stabilisation depuis quelques jours, ils peuvent être réalisés mais avec
prudence (sous traitement médical). Ils ne sont pas utiles au diagnostic
lorsque le tableau clinique est typique mais ils peuvent apporter des éléments
pronostiques.
- Coronarographie. Elle est très importante non seulement pour confirmer le
diagnostic mais aussi et surtout pour orienter la conduite thérapeutique en
précisant la possibilité d'un geste de revascularisation (angioplastie ou
pontage aorto-coronarien). La coronarographie est le plus souvent faite après
quelques jours lorsque l'angine de poitrine est restabilisée. Toutefois,
lorsque la symptomatologie n'est pas contrôlée par le traitement médical, il ne
faut pas hésiter à la réaliser en urgence afin de réaliser si possible un geste
de revascularisation avant la survenue d'un infarctus du myocarde.
Angine de poitrine de Prinzmetal
Clinique. Les patients avec une angine
de poitrine de Prinzmetal se présentent typiquement avec des crises angineuses
au repos, habituellement la nuit et au petit matin. L'angor spastique associe
assez typiquement des phases " actives " durant lesquelles les
épisodes spontanés sont extrêmement fréquents et des phases " de repos
" durant lesquelles les épisodes spastiques sont plus rares voire
complètement absents.
Bien que la tolérance à l'effort soit habituellement préservée chez les
patients présentant un angor spastique, le déclenchement d'un spasme coronaire
par l'effort peut s'observer chez 30 à 60 % des patients présentant un angor
spastique " actif ".
Une association entre le spasme coronaire, la migraine et le phénomène de
Raynaud a été suggérée mais n'est pas établie avec certitude.
Examens paracliniques.
- ECG de repos. L'ECG intercritique est le plus souvent normal et c'est l'ECG
percritique qui fera le diagnostic en montrant de manière typique un
sus-décalage du segment ST, transitoire et réversible. Cette anomalie est
généralement la traduction d'une ischémie transmurale massive, conséquence de
l'occlusion complète d'une coronaire épicardique de calibre important. On peut
aussi observer un sous-décalage du segment ST, une inversion ou une
pseudonormalisation de l'onde T. Ces anomalies étant extrêmement transitoires,
il faut souligner l'intérêt de l'ECG systématique et immédiat chez tout patient
hospitalisé présentant une douleur angineuse au repos. Cet électrocardiogramme
doit être suivi de l'administration de nitroglycérine et d'un nouveau tracé qui
permettra d'identifier les aspects de pseudo-normalisation percritique.
- Enregistrement Holter. L'enregistrement continu de l'électrocardiogramme
selon la technique de Holter est actuellement l'une des méthodes de référence
pour le diagnostic d'angor spastique. Il permet, non seulement de détecter les
modifications électrocardiographiques pourvu qu'elles soient typiques et
indiscutables, mais aussi d'enregistrer les troubles du rythme contemporains de
la crise ischémique (extrasystoles et tachycardies ventriculaires le plus
souvent observées dans les spasmes de l'artère interventriculaire antérieure ;
blocs auriculo-ventriculaires le plus souvent observés dans les spasmes de
l'artère coronaire droite).
- Épreuve d'effort. Elle peut être positive (du fait de lésions
athéroscléreuses fixes surajoutées) mais une épreuve négative n'exclut en rien
le diagnostic. On observe parfois un sus-décalage du segment ST (tout
particulièrement pendant la phase de récupération).
- Coronarographie. Elle permet de mettre en évidence le spasme. La
caractéristique majeure est la réversibilité spontanée ou provoquée des
anomalies. Le spasme est le plus souvent focal mais il peut être diffus.
L'angor de Printzmetal peut survenir sur un réseau coronarien sain ou chez un
patient présentant des sténoses coronaires. On utilise fréquemment un test de
provocation à la méthylergométrine. Ce test est réalisé lors de l'examen
coronarographique et est formellement contre-indiqué chez tous les patients
présentant une sténose du tronc coronaire gauche, des lésions tritronculaires
sévères ou encore au cours d'un angor instable avec sténose irrégulière,
anfractueuse et image lacunaire traduisant la présence d'une thrombose intraluminale.
Une situation à part : l'ischémie silencieuse
Une proportion importante des épisodes d'ischémie myocardique se déroule sans aucun symptômes. Certains patients peuvent même être totalement asymptomatiques et souffrir d'ischémie myocardique chronique. Le diagnostic est dans ce cas fait par les explorations complémentaires (ECG d'effort, scintigraphie, coronarographie). Il est important de savoir que le pronostic des patients qui souffrent d'ischémie silencieuse est globalement similaire à celui de ceux qui souffrent d'ischémie symptomatique. Une prise en charge thérapeutique (traitement médical, geste de revascularisation en cas de lésions sévères) est donc nécessaire.
Diagnostic différentiel
Il existe un grand nombre de douleurs thoraciques qui peuvent avoir certaines des caractéristiques cliniques de l'angine de poitrine et qui ne sont pas dues à une ischémie myocardique. Le diagnostic pourra être fait par l'examen clinique ou par les examens paracliniques. On peut citer les douleurs d'origine chondro-costales ou inter-costales, les douleurs scapulaires, les douleurs d'origine digestive (osophage, estomac), etc.
Evolution
L'évolution des patients souffrant d'angine de poitrine est extrêmement variable. Sur le plan clinique, l'angor instable a un plus mauvais pronostic que l'angor stable. Parmi les autres facteurs pronostics importants, on retiendra la diffusion et la localisation des lésions, la fonction ventriculaire gauche, l'âge du patient.
Traitement
Le traitement de l'angine de poitrine comprend essentiellement le traitement médical et les techniques de revascularisation myocardique (angioplastie coronaire transluminale et pontage aorto-coronarien).
Traitement médical
Traitement de la crise. Le traitement de la crise d'angine de poitrine fait appel aux dérivés nitrés d'action rapide administrés par voie sublinguale (sous forme de comprimés à croquer ou de spray à pulvériser). Il est important de mettre en garde le patient contre les risques d'hypotension artérielle en cas de surdosage. Si la crise survient à l'effort, l'arrêt de celui-ci est naturellement nécessaire. Si la douleur persiste, un avis médical d'urgence est indispensable.
Traitement de fond. La prise en charge
thérapeutique d'un patient atteint d'angine de poitrine ne doit plus se limiter
à la prescription de médicaments anti-angineux, il faut aussi accorder une
grande importance à la prévention des complications qui font toute la gravité
de la maladie coronaire.
- La correction des facteurs de risque. La correction des facteurs de risque
doit être une priorité (arrêt du tabac, contrôle tensionnel, diététique.). Tout
patient ayant une hypercholestérolémie, même modeste, doit être traité. La
prescription d'un inhibiteur de la HMGCoA réductase permet de diminuer le
risque d'infarctus et la mortalité à moyen terme. Une activité physique
régulière (en évitant toutefois les sports violents) est à conseiller.
- Le traitement anti-agrégant plaquettaire. Il vise à prévenir la thrombose
coronaire. Il s'agit d'un traitement absolument indispensable en cas d'angor
instable mais qui est aussi habituellement prescrit en cas d'angine de poitrine
stable. On utilise des doses faibles (de 75 à 300 mg par jour).
- Le traitement anti-angineux. Les dérivés nitrés agissent en diminuant le
retour veineux et donc la tension pariétale et la consommation en oxygène du
myocarde ; ils ont aussi une action vasodilatatrice au niveau des artères
coronaires épicardiques. Lorsqu'ils sont prescrits au long cours, les dérivés
nitrés peuvent entraîner un phénomène de tolérance qui limite leur efficacité.
Les effets secondaires principaux sont les céphalées qui peuvent être très
invalidantes et obliger à l'arrêt du traitement.
Les bêtabloquants agissent en diminuant la consommation d'oxygène du myocarde
par l'intermédiaire d'une baisse de la fréquence cardiaque et de la
contractilité. Il s'agit de médicaments très efficaces mais qui ne doivent être
prescrits qu'en l'absence de contre-indications (insuffisance cardiaque,
bradycardie, asthme, syndrome de Raynaud) ; ils peuvent aussi aggraver les
manifestations cliniques d'artérite des membres inférieurs ou masquer les
signes révélateurs d'une hypoglycémie chez le diabétique.
Le traitement par bêtabloquant est mis en place progressivement pour obtenir
une fréquence cardiaque au repos entre 50 et 60 par minute et une fréquence
maximale à l'effort à environ 120 par minute.
Les inhibiteurs calciques peuvent aussi diminuer les besoins en oxygène du
myocarde en baissant la contractilité et la tension artérielle ; ils ont en
plus une activité vasodilatatrice coronaire qui en fait d'excellents
médicaments du spasme coronaire. Les effets des inhibiteurs calciques diffèrent
aussi en fonction de la molécule utilisée ; le diltiazem et le vérapamil sont
bradycardisants ; les molécules dérivées des dihydropyridines ont une action de
vasodilatation périphérique plus marquée qui peut entraîner des effets
secondaires à type de bouffées de chaleur ou d'odèmes des membres inférieurs et
qui peut être responsable de tachycardie réflexe (par activation du système
sympathique).
À côté de ces traitements classiques de l'angine de poitrine, sont apparus
depuis plusieurs années d'autres médicaments tels la molsidomine dont le
mécanisme d'action est proche de celui des dérivés nitrés et le nicorandil qui
est un agoniste des canaux potassiques.
Techniques de revascularisation myocardique
Angioplastie coronaire transluminale fig. 2). Il
s'agit d'une méthode largement utilisée de revasculation myocardique. Elle
nécessite une courte hospitalisation (2 à 3 jours). Sous anesthésie locale, un
ballonnet est introduit dans le système artériel (par voie fémorale le plus
souvent), positionné au niveau de la sténose coronaire puis gonflé pour écraser
la plaque d'athérome et agrandir la lumière artérielle.
Cette procédure s'effectue toujours sous couvert d'un traitement anticoagulant
(100 mg d'héparine avant l'angioplastie) et anti-agrégant (aspirine débutée au
moins la veille).
Les complications immédiates de l'angioplastie sont dominées par le risque
d'occlusion aiguë du vaisseau dilaté, occlusion qui peut être la conséquence
d'une thrombose ou d'une dissection.
Le traitement de ces complications rares mais graves faisait autrefois le plus
souvent appel au pontage aorto-coronarien en urgence ; actuellement,
l'implantation d'une endo-prothèse coronaire (ou stent) permet de maintenir le
vaisseau ouvert et donc d'éviter la chirurgie en urgence dans la plupart des
cas (fig. 3).
Globalement, le taux de succès immédiat de l'angioplastie coronaire est
supérieur à 90 % mais il existe environ 30 à 40 % de resténose dans les 6 mois.
Ce risque non négligeable de récidive justifie une surveillance cardiologique
régulière pendant les quelques mois qui suivent une procédure réussie. Il est
important de savoir qu'en l'absence de resténose dans les 6 premiers mois, le
segment traité peut être considéré comme définitivement guéri.
Aucun traitement pharmacologique n'a fait la preuve de son efficacité pour ce
qui est de la prévention de la resténose ; la seule approche qui semble
aujourd'hui efficace est la mise en place d'un stent qui semble pouvoir réduire
le risque de resténose à environ 20 %.
Pontage aorto-coronarien. Le pontage
aorto-coronarien est une intervention chirurgicale de revascularisation
myocardique qui est effectuée sous circulation extracorporelle. L'intervention
consiste en un " pontage " des segments sténosés à l'aide de greffons
veineux (saphène) ou artériels (essentiellement mammaire interne).
La mortalité opératoire est globalement faible (inférieure à 2 %) et dépend de
l'âge et du degré d'atteinte ventriculaire gauche. La perméabilité à long terme
des greffons est bien entendu un point très important et semble bien meilleure
en cas de pontage artériel qu'en cas de pontage veineux.
Indications
Le traitement médical est pratiquement toujours de mise.
Il comporte presque systématiquement l'association de règles de prévention et
de faibles doses d'aspirine. L'utilisation d'un ou de plusieurs anti-angineux
est fonction de l'intensité des symptômes. Les patients ayant déjà présenté un
infarctus bénéficient généralement d'un traitement par bêtabloquant. En cas
d'angor spastique, la prescription d'un antagoniste calcique et/ou d'un dérivé
nitré est habituelle.
Les indications de revascularisation myocardique sont le fruit d'une
concertation médico-chirurgicale. L'angioplastie est indiquée en cas de lésions
focales et accessibles. Le pontage aorto-coronaire est préférable en cas de
lésions plus diffuses, tout particulièrement chez les patients ayant une
fonction ventriculaire altérée.
POINTS FORTS A COMPRENDRE
L'angine de poitrine est la
manifestation clinique habituelle de l'ischémie myocardique.
Elle est généralement due à une ou plusieurs sténoses coronaires mais peut
aussi parfois être la conséquence d'un spasme coronaire.
La complication la plus grave est l'infarctus du myocarde qui est surtout à
redouter en cas d'angine de poitrine instable.
Le traitement doit comprendre deux volets essentiels : l'aspect curatif et
l'aspect préventif.
POINTS FORTS A RETENIR
L'interrogatoire, l'épreuve
d'effort, la scintigraphie myocardique permettent généralement de faire le
diagnostic d'angine de poitrine. La coronarographie permet de confirmer le
diagnostic et de poser une éventuelle indication de revascularisation
myocardique.
L'angor instable impose l'hospitalisation rapide afin de mettre en place un
traitement dans le but de limiter le risque d'évolution vers l'infarctus du
myocarde.
La lutte contre les facteurs de risque associée aux anti-agrégants
plaquettaires fait partie intégrante du traitement des patients souffrant
d'angine de poitrine (traitement préventif).
Prise en charge thérapeutique d'un angor instable
Hospitalisation immédiate.
Aspirine per os 160 à 300 mg/24 h en 1 prise.
Héparine en perfusion IV à doses efficaces.
Dérivés nitrés en perfusion continue (trinitrine 1 à 3 mg/h ou dinitrate d'isosorbide 2 à 8 mg/h).
Bêtabloquants (en l'absence de contre-indication) ; par exemple aténolol 50 à 100 mg/24 h en 1 à 2 prises.
Surveillance régulière clinique,
biologique (CPK), et électrocardiogramme. Si la symptomatologie s'amende sous
traitement, on envisagera une coronarographie au décours de l'épisode aigu.
Si le patient continue de souffrir (avec des modifications per-critiques de
l'ECG) malgré le traitement, il faut réaliser une coronarographie en urgence
pour envisager un geste de revascularisation myocardique (angioplastie ou
pontage).
Les prothèses endo-coronaires ou stents
L'implantation d'un stent est
devenue chose courante dans les suites d'une angioplastie coronaire. Il s'agit
d'une sorte de petit ressort métallique (fig. 3) qui est implanté dans la paroi artérielle à
l'aide d'un ballon d'angioplastie gonflé à forte pression.
Le stent permet de traiter efficacement les complications de l'angioplastie à
type de dissection mais est aussi souvent utilisé en première intention pour
diminuer le taux de resténose à 6 mois.
L'inconvénient principal du stent est le risque de thrombose pendant les
premières semaines qui suivent l'implantation.
Les protocoles thérapeutiques qui encadrent la mise en place du stent et qui
font appel à l'association d'aspirine et de ticlopidine ont permis de diminuer
très sensiblement ce risque.
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