Extraits du livre "Rencontres avec Celibidache"
- Quand un élève a peur, faut-il calmer cette peur ou pas?
- Je ne peux rien faire qui pourrait lui faire peur, non. Ce n'est pas la peur que tu veux, c'est la discipline, et tu veux qu'il ait peur d'être ridicule, de faire moins que ce qu'il peut faire. De ça il doit avoir peur, il doit s'employer pleinement. Même si au commencement c'est déjà une notion très évoluée, s'employer pleinement, dans quel sens pleinement? Il y a un pleinement pour chacun de 525u2020f nous qui est différent. Alors on doit jouer sur les différences entre les élèves, ils ne seront jamais les mêmes, par exemple tu as vu Philippe? Il a eu une aisance et est allé en avant beaucoup trop vite. Maintenant je l'ai vu et je me suis rendu compte, il faut que je veille à ce qu'il n'exagère pas dans ce sens là.
- Je suis tout à fait d'accord qu'il n'y ait aucune nouveauté transmissible de moi à toi et surtout pas la musique. Il faut que tu fasses toi-même les corrélations qui te porteront à ce que tu pourrais appeler musique. Ce sont tes corrélations qui te portent là-bas, ce ne sont pas les miennes! Les associations de pensée peuvent être la copie d'un autre, bien sûr, et dans notre occident, on n'a fait que suivre certaines recommandations des grands esprits.
- Est-ce qu' il y a une différence pour les adultes et les enfants?
- Bien sûr. L'adulte a fait quelques expériences, il en a tiré des conclusions et il pense jouir encore de la même spontanéité de laquelle l'enfant jouit. Or ce n'est pas du tout le cas, nous avons jusqu'à maintenant des élèves qui ne sont pas capables d'oublier ce qu'ils savaient jusqu'à maintenant.
- Est-ce que vous trouvez que la souffrance joue un rôle dans l'apprentissage?
- Bien sûr ! Mais ce n'est pas la souffrance comme but ! Chaque apprentissage est lié à une série de souffrances, sans doute. D'ailleurs pour ceux qui ont un grand ego, qui veulent tout de suite être les meilleurs, tout de suite être chef d'orchestre, tout de suite être Celibidache, bon, ça existe, voilà une source de souffrance qui est indomptable. Et ça le restera !
- Je suis extrêmement sévère avec tout le monde. Parce que je ne connais pas une paix avec l'élève. Non !! Pour le moment, je suis l'ennemi numéro 1, je suis le seul qui puisse lui enseigner quelque chose.
- Au fond, qu'est-ce que je corrige ici tout le temps, sans exception ? La manière fausse de penser là-dessus ! Celui qui dirige trop en avant comme ça, il ne sait pas qu'est-ce qu'il s'abîme, de quelle possibilité extraordinaire de l'expression il se prive !
- Bien sûr que pour ne pas gâcher la relation entre moi et toi, je serais un professeur très commode, je dirais: ah oui, ça va! si je ne faisais attention qu'à tes progrès. Mais je m'intéresse beaucoup plus à tes défauts qui t'empêchent d'arriver là où tu appartiens. Si tu fais ça avec la tête, avec les bras, si tu contredis l'évolution naturelle du son, par un geste qui se met entre le son et la musique, voilà! Mon rôle, c'est d'éliminer ça ou du moins d'en minimiser l'effet.
- J'ai une manière socratique d'enseigner : ils posent des questions, ce n'est pas dit que je puisse répondre toujours, mais le fait qu'ils cherchent quelque chose à laquelle ils ne peuvent pas répondre, ça clarifie deux choses, ça me force à prendre une décision définitive et ça le force à se vider pour capter ce que je vais dire.
- Si je vous dis que vous êtes trop dur, que vous les écrasez, que vous tuez leur personnalité, qu'est-ce que vous répondez ?
- Je ne les écrase pas, il faut qu'il y ait une discipline extraordinaire, il faut qu'ils résistent à des tentations comme celle du moment. Il faut qu'ils maîtrisent ce qu'ils veulent faire. S'ils veulent se faire obéir, il faut qu'ils sachent comment se faire obéir. Ce n'est pas possible de cultiver le compromis. Il s'agit de savoir toi-même exactement ce que tu fais, pour prétendre à ce que les autres fassent de même. Donc la première condition pour transmettre quelque chose, c'est de savoir quoi! Nous leur enseignons qu'est-ce qu'il y a à transmettre et puis la manière dont ça se passe.
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