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Idées ou conduites suicidaires

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Idées ou conduites suicidaires

Idées ou conduites suicidaires




Le suicide est un problème sérieux de santé publique en France, puisqu'il entraîne plus de 12 000 morts par an. Il est la première cause de mortalité avant 35 ans. Le nombre de tentatives de suicide est 8 à 10 fois plus élevé que les morts par suicide.
De nombreux facteurs interviennent dans le déterminisme de la conduite suicidaire. Il est nécessaire de les prendre en compte afin de développer des actions de prévention. La première démarche sera l'écoute des idées suicidaires qui sont souvent verbalisées ou sous-entendues au cours de l'entretien.

Approche clinique

Elle doit permettre au médecin d'identifier des idées ou des conduites suicidaires au cours de l'entretien :
- en écoutant les sujets qui expriment une idée suicidaire ;
- en analysant le contexte immédiat d'un geste suicidaire ou d'une conduite équivalente ;
- en pratiquant un examen clinique.

1. Écoute

Un bon nombre de sujets décédés de suicide ont exprimé auparavant cette idée. Au cours de l'entretien, l'idée de suicide peut se présenter de manière plus ou moins active :
- c'est le désir de voir surgir la mort, d'abandonner la vie, désir masqué parfois par l'envie de dormir ;
- c'est un sentiment de lassitude à l'égard de la vie, relayé par la 15215n133p pensée que la mort (par maladie ou par accident) serait un soulagement ;
- c'est l'irruption d'une pensée incompatible avec l'éthique du sujet, et cette pensée suicidaire peut, malgré tout, devenir prévalente ;
- enfin, c'est l'élaboration plus active d'un projet avec possibilité de réalisation de l'acte suicidaire.

Devant l'idée de suicide seront évalués, le monde d'évocation du désir, les moyens envisagés, les résultats escomptés.

Ces idées de suicide sont accompagnées de pensées dont le caractère figé et répétitif est un facteur de pronostic péjoratif :
- thèmes de culpabilité ;
- sentiment d'incapacité ou d'échec, de dévalorisation ;
- pessimisme ;
- sentiment de solitude, d'abandon ;
- sentiment de persécution, de vengeance, désir d'atteindre quelqu'un d'autre ;
- aspiration à la mort, parfois avec thèmes mystiques ;
- " jeu " avec sa propre vie ;
- fuite d'une situation insupportable (deuil, blessure narcissique, châtiment). La fugue de l'adolescent est souvent annonciatrice ;
- désir de s'honorer, de faire reconnaître sa valeur.

2. Analyse du contexte du geste suicidaire

L'existence d'une situation déclenchante est retrouvée dans la majorité des cas. Ces situations sont diverses, impossibles à systématiser :
- contexte médical particulièrement éprouvant ;
- problèmes sentimentaux, conjugaux, d'isolement affectif ;
- modification dans le mode de vie ;
- difficultés de séparation (veuvage, divorce chez les hommes) ;
- problèmes financiers, professionnels et sociaux.

Il faut penser à reconnaître le caractère suicidaire de certaines conduites, véritables équivalents mineurs :

ce sont des conduites camouflées :
- intoxication médicamenteuse présentée comme accidentelle par le sujet âgé ;
- automutilation présentée comme un accident ;
- accident qualifié de manifestation d'imprudence, etc.
Mais parfois il n'y a pas de camouflage, et c'est une simple conduite de prise de risque excessif (surdosage d'un produit toxique, risque de sida, etc.).

La valeur expressive de ce geste suicidaire mérite d'être prise en compte :

c'est pour certains sujets le seul moyen d'exprimer à leur entourage une situation conflictuelle. C'est, pour d'autres, une façon de se libérer dans le passage à l'acte cathartique d'une tension émotionnelle qui ne peut être élaborée dans l'immédiat.

Il est nécessaire d'évaluer le risque vital lié à la nature du moyen suicidogène lui-même : la pendaison, l'utilisation d'une arme à feu, la défenestration, la noyade, témoignent d'un désir de se détruire de façon irrémédiable plus certaine que l'utilisation de médicaments peu toxiques. Mais le choix du moyen utilisé n'est qu'un des révélateurs du désir de mort du sujet.

Le contexte dans lequel intervient le geste a une valeur indicative sérieuse :

il est préparé, prémédité dans la mélancolie, il se fait de façon spontanée dans l'impulsivité, parfois le sujet semble ne pas avoir conscience qu'il peut mourir, ou qu'il prend des risques excessifs. Enfin, l'ambiance dans laquelle surgit l'acte peut paraître étrange comme dans la schizophrénie.

3. Examen clinique

Il permet d'évaluer le retentissement somatique d'un état dépressif du sujet : mimique figée, amaigrissement, anorexie, insomnie, et de mettre rapidement en ouvre les moyens de prévention adéquats.

Suicide et psychopathologie

1. Suicide et dépression

La présence d'un état dépressif augmente considérablement le risque de suicide (environ 50 % des suicides surviennent chez des sujets déprimés). Au cours des accès mélancoliques où le risque suicidaire est majeur, la situation impose l'hospitalisation d'urgence, en placement s'il le faut. La mort est envisagée comme une solution, un soulagement et peut être recherchée au cours même de l'hospitalisation.
Mais le risque suicidaire existe aussi en cas de dépressions névrotiques et réactionnelles où les idées de suicide ne sont parfois pas exprimées spontanément, ou si elles le sont, elles ne sont pas suffisamment prises au sérieux.

2. Suicide et psychose

Schizophrénie : un passage à l'acte suicidaire peut constituer un mode d'entrée dans la maladie, mais globalement, le risque de suicide est important chez le schizophrène tout au long de l'évolution de la maladie.

Au cours des autres états psychotiques, la tentative de suicide peut survenir au cours de l'évolution d'un délire chronique, ou à la faveur d'une phase dépressive, soit en rapport avec le caractère intolérable de la souffrance occasionnée par l'état délirant, ceci en relation avec la thématique délirante.

3. Suicides et conduites addictives (alcool, toxique)

Certaines tentatives de suicide apparaissent dans un contexte confusionnel lié à la prise de toxiques, mais souvent elles sont liées à des crises d'angoisse aiguë au cours desquelles se mêlent le manque et les difficultés relationnelles liées à la désinsertion.

4. Suicide et pathologie de la personnalité

Les tentatives de suicide surviennent également chez des personnalités histrioniques dans le cadre d'une attitude manipulatrice. Elles représentent un risque réel de suicide (10 % des cas).
La tentative apparaît de façon impulsive chez des personnalités psychopathiques. Elle n'est pas rare dans des troubles de personnalité sensitive, narcissique ou limite.

5. Autres

La survenue répétée d'attaques de panique est un facteur de risque important, a fortiori s'il est lié à d'autres pathologies. La tentative de suicide peut apparaître dans un contexte médical particulièrement éprouvant au cours d'une maladie réputée incurable ou d'un handicap fonctionnel majeur, enfin au cours d'affections hyperalgiques.

Conduites à tenir

1. Après la tentative de suicide

Dans la quasi-totalité des cas, l'hospitalisation est indispensable afin de réduire le risque somatique. Sans qu'il y ait de rupture avec cette première prise en charge, l'intervention du psychiatre est sollicitée dans un second temps. C'est lui qui décidera de l'hospitalisation en service de psychiatrie.
En cas de refus du patient, l'hospitalisation à la demande d'un tiers est parfois nécessaire. Elle s'impose d'autant plus que le patient présente des troubles dépressifs d'allure mélancolique ou un état délirant. Seront pris en compte, les tendances impulsives du patient, le risque de récidive, l'isolement social et familial du sujet.
Le suivi ambulatoire est assuré, selon la gravité de la pathologie du patient, par un généraliste ou un psychiatre. Il vise à désarmorcer une crise ou une situation conflictuelle. Le patient peut être aidé par une prise en charge individuelle psychothérapique mais aussi par un travail au sein du groupe familial.

2. En dehors du passage à l'acte

La prise en charge médicale permet d'aider le patient au cours de ses difficultés psychologiques et sociales. La prise en charge de la famille semble être un complément nécessaire à toute prise en charge du suicidant.

Des relais associatifs d'écoute et d'accueil permettent une prise en charge des suicidants ou encore un rôle préventif (SOS suicide, SOS amitié...)

Des structures spécifiques pour adolescents, personnes âgées permettent d'assurer un rôle de prévention pour les groupes à risque.

POINTS FORTS A COMPRENDRE

La fréquence extrêmement élevée du phénomène nécessite de prendre en compte les facteurs de risque : caractéristique des idées suicidaires, données psycho-sociologiques, nature du conflit et pathologie sous-jacente.

La conduite à tenir impose de ne pas dissocier dans un premier temps, la prise en charge somatique et psychologique du sujet ayant fait une tentative de suicide.

La prévention est exercée par le milieu médical mais aussi grâce au soutien du tissu social.

Devant tout patient suicidaire, l'hospitalisation doit être envisagée.

POINTS FORTS A RETENIR

L'hospitalisation est indispensable afin de réduire le risque somatique.

La demande diagnostique permet de rattacher les idées suicidaires à une pathologie psychiatrique latente et à une situation conflictuelle actuelle.

Suicide et tentative de suicide

Le suicidaire représente le sujet qui risque de commettre sa propre mort. Le risque est représenté par les idées suicidaires autant que par les conduites.

L'intention de mourir explique à un degré variable le suicide et la mort du sujet. Elle doit être évaluée dans les tentatives de suicide afin d'adopter une attitude thérapeutique.

La tentative de suicide représente le passage à l'acte non fatal du suicidant. La démarche diagnostique permettra de rattacher ces idées à une pathologie psychiatrique latente ou à l'inverse à une situation conflictuelle actuelle.

L'intention suicidaire ne peut se résumer à ce que dira le sujet directement. La façon dont se déroule l'entretien, la réticence, la rigidité caractérielle, la fuite de la relation thérapeutique, sont des facteurs de mauvais pronostic. Mais d'autres facteurs de risque plus généraux méritent d'être pris en compte dans l'évaluation du risque.

Suicide et schizophrénie

Classiquement, le geste suicidaire fait partie intégrante de l'évolution processuelle. Les conduites suicidaires y sont donc fréquentes. Elles prennent souvent un aspect impulsif, imprévisible et sont liées à l'état d'angoisse mais aussi de dépersonnalisation du sujet. La présence d'un syndrome d'influence (automatisme mental) peut favoriser un passage à l'acte. Parfois, elles surviennent de façon plus préméditée, au cours d'une phase dépressive chez un hébéphrène qui présente des difficultés d'adaptation majeures.

Épidémiologie : les facteurs de risque

Aucun facteur de risque ne peut être considéré en soi comme explicatif. Mais le médecin doit se mobiliser devant toute situation à risque suicidaire élevé : c'est dire l'intérêt de reconnaître l'état dépressif et de le traiter, d'apporter une aide psychologique adaptée en période de crise. Le risque de passage à l'acte dépend de plusieurs facteurs.

Les antécédents de tentative de suicide
Le risque de répétition et de décès augmente avec les antécédents personnels mais aussi avec les antécédents familiaux, puisqu'on sait que l'existence de tentatives de suicide dans la famille (voire même l'entourage) vient augmenter le risque personnel.

L'âge
On note une répartition inégale selon l'âge. La mort par suicide augmente avec l'âge, elle est beaucoup plus importante après 45 ans que chez les sujets jeunes. Les tentatives sont particulièrement fréquentes entre 25 et 35 ans et le suicide est la deuxième cause de mortalité chez l'adolescent après les accidents de la route.

Le sexe joue un rôle puisque si les tentatives sont trois fois plus fréquentes chez les femmes, il y a environ trois fois moins de décès chez elles.

Les conditions sociales et environnementales du sujet interviennent :
- professions exposées (personnel de service, travail manuel pénible, professions médicales et paramédicales) ;
- situations à risque : situation financière critique...
- isolement social et familial.

La présence d'une pathologie psychiatrique évolutive
Si le suicide constitue un risque important de nombreuses affections psychiatriques (dépression, schizophrénie, hystérie), la majorité des tentatives de suicide surviennent chez des sujets ne présentant aucune pathologie psychiatrique évidente.
Ces faits permettent de penser qu'il ne faut jamais banaliser une tentative de suicide.

Suicide et mélancolie

Le passage à l'acte suicidaire représente le risque évolutif majeur d'un accès dépressif mélancolique.
Ce risque motive donc, au côté des complications somatiques de l'affection (insomnie, dénutrition, grabatisation), l'hospitalisation en urgence et en placement, s'il le faut, de tout état mélancolique.
Il faut savoir que le geste suicidaire peut survenir à l'hôpital, parfois à la faveur de la levée d'inhibition psychomotrice réalisée par le traitement antidépresseur au début. Ainsi, la surveillance doit être renforcée auprès de ces patients.

Schéma thérapeutique

A. Après la tentative de suicide

- l'hospitalisation est nécessaire :
afin de réduire les risques somatiques dans un premier temps
dans un cadre psychiatrique si nécessaire, après avis du spécialiste.Les modalités du placement obligé peuvent s'imposer.
- le suivi ambulatoire permet de désamorcer une crise ou de résoudre une situation conflictuelle.

B. En dehors du passage à l'acte

Le rôle préventif de la prise en charge médicale, des relais associatifs et des structures spécifiques est primordial.


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