Zola, théoricien du naturalisme
"L'école naturaliste affirme que l'art est l'expression de la vie sous tous ses modes et à tous ses degrés et que son but unique est de reproduire la nature.C'est la vérité s'équilibrant avec la science."[1]
Le naturalisme est une école littéraire qui,dans les dernières décennies du 19.siecle,cherche a introduire dans l'art la méthode des sciences expérimentales appliqués a la biologie par Claude Bernard. De la France,le naturalisme s'étend à toute l'Europe au cours des vingt années,fixant les recherches analogues qui existent déjà dans les différentes littératures.
Nombreux sont ceux qui utilisent les termes "réalisme" 424g62e et"naturalisme" alternativement,indifférent ou associés. Cette confusion est due à l'absence de théorie claire du réalisme lui-même ;elle est aussi imputable à Emile Zola qui dans sa volonté d'annexer au naturalisme de prestigieuses signatures antérieures attribue le qualificatif de naturalistes à des autres comme Balzac,Stendhal,Flaubert.
Même critique,le naturalisme suscite partout l'intérêt. D'un cote des protestions s'élèvent contre le matérialisme du naturalisme,le déterminisme de l'hérédité et de l'environnement,tandis que l'assimilation de l'homme à l'animal soulève un véritable tallé. La critique polonaise constate que "si le naturalistes ont observé qu'il y a toute la bête dans l'homme",ils n'ont pas su distinguer que "dans la bête il n'y avait pas tout l'homme".
D'une autre coté,le naturalisme reçoit un accueil très positif,car il enrichit la thématique du genre romanesque par l'introductionde sujets nouveaux tels que l'influence de l'environnement sur le comportement humain ou encore l'injustice sociale et il renouvelle l'écriture romanesque par la vivacité picturale et colorée des descriptions.
Gilles Deleuze a proposé une définition du naturalisme comme catégorie esthétique, caractérisée par le doublage d'un "milieu déterminé" par un "monde originaire",fait de "pulsions",qui "prolonge le réalisme dans un surréalisme particulier".
En littérature le naturalisme est une "école et doctrine [..] fondé par Emile Zola au début du ΙΙΙ me. République".(Littré)
Celui-ci,en amassant la théorie de l'écriture naturaliste ,présente son "Roman expérimental"(1880) ,comme une compilation d'extraits de l' "Introduction à la médicine expérimentale" de Claude Bernard,en écrivant :
"Le plus souvent,il me suffira de remplacer le mot <médecin> par le mot <romancier> pour rendre ma pensée claire et lui apporter la rigueur d'une vérité scientifique"
Le romancier est ainsi,à l'en croire,le " juge d'instruction des hommes et de leurs passions",et s'il néglige pas la spécificité du génie littéraire,Zola nie absolument que le propre d'un artiste soit de réaliser une idée ou un sentiment personnels. Plus encore,il assure que le naturalisme consiste uniquement dans la méthode expérimentale et que la rhétorique "n'a rien à voir ici".
"Au fond j'estime que dans la méthode atteint la forme elle-même ,qu'un langage n'est qu'une logique,une construction naturelle et scientifique[..] Nous sommes actuellement pourris de lyrisme,nous croyons bien à tort que le grand style est fait d'un effarement sublime,toujours près de culbuter dans la démence ;le grand style est fait de logique et de clarté"
Le style de Zola n'est donc évidement pas "fait de logique et de clarté",quelque volonté qu'il ait pu manifester dans ce sens Ceci peut d'ailleurs nous amener à deux remarques d'importance .La disparité entre la théorie du style et sa pratique donne raison aux conceptions modernes de
style,particulièrement à celles de Roland Barthes .
L'ouvre d'Emile Zola,en puissant dans le terreau social,réactive les grands mythes humains auxquelles elle emprunte la puissance évocatrice des images.
Les déterminations génétiques ou socieux que l'écrivain entendait mettre à jour y gagnent en force et en clarté. La puissance du style dépasse,sans les nier,les enjeux naturalistes et sauvent l'ouvre de Zola de l'oubli auquel l'aurait vouée la fatale désuétude des systèmes scientifiques dans lesquels il avait mis,il faut le dire,une confiance un peu naïve.
Le "mis en sujet" est constant dans les écritures de Zola ;le vrai romancier doit se borner à l'observation qui fait la qualité du savant et proscrire de ses ouvres l'imagination qui l'égarerait dans des conclusions menteuses.
Le réel porte en lui ses propres leçons et Zola va jusqu'à remettre en cause les privilèges de la création .L'utilisation constante du discours indirecte libre par le narrateur laisse croire à son absence :les propos des personnages semblent continuer au-déla de leurs échanges. On y écoute une voix anonyme, la voix du peuple,qui pourrait être la vraie narratrice du roman.
L'attitude du narrateur à l'égard de ses personnages se garde de toute appréciation :nulle convénience ,aucune trace d'ironie et peu de condamnation morale. La vie seule et une certaine logique du milieu auquel ils appartient,on laisse tirer les conclusions qui s'impose (ex. :une remarque faite par un docteur à Gervaise :"Vous aussi vous buvez. Un jour,vous finirez comme ça") .Zola soutient que le narrateur naturaliste doit :"être présent partout,visible nulle part".
Le style de Zola est loin de correspondre à l'idéal du greffier !Même le langage ouvrier est ,à bien des égards,une création littéraire. Zola entretient donc une certaine illusion en identifiant le romancier à un greffier,comme à un médecin ou à un physiologiste. C'était compter sans la puissance de son tempérament ,sans la germination spontanée des images et les contraintes de la narration.
Emile Zola appréciait la définition du roman proposé par Alphonse Daudet,comme un "coin de la création vu à travers un tempérament",en dissant que "le cadre du roman lui-même a changé. Il ne s'agit plus d'inventer une histoire compliquée d'une invraisemblance dramatique qui étonne le lecteur ;il s'agit uniquement d'enregistrer des faits humains,de montrer à nu le mécanisme du corps et de l'âme".
Selon Zola,le corps humain est une machine. Elle agit sur les passions et les instincts. Par conséquent,il est du devoir de la philosophie et de la littérature à enquêter sur ce point. Mais ils ne peuvent le faire qu'avec l'aide de science. Avec ce qui concerne les passions,il est important de se pencher sur l'hérédité humaine et l'environnement. Tous deux ont un impact sur l'esprit humain.
"Le roman expérimental c'est :posséder le mécanisme des phénomènes chez l'homme,monter les rouages des manifestations intellectuelles et sensuelles telles que la physiologie nous l'expliquera,sous les influences de l'hérédité et des circonstances ambiantes,puis montrer l'homme vivant dans le milieu social qu'il a produit lui-même,qu'il modifie tous les jours,et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation continue"
Ces lignes du "Roman Expérimental" enferment toute la doctrine naturaliste. Zola n'a pu cesser de le répéter :"le roman expérimental est une conséquence de l'évolution scientifique du siècle ;il continue et complète la physiologie qui elle-même s'appuie sur le chimie et la physique ;il substitue à l'étude de l'homme abstrait,de l'homme métaphysique, l'étude de l'homme naturel [.....]il est en un mot la littérature de notre âge scientifique ,comme la littérature classique et romantique a correspondu à un âge de scolastique et de théologie".
Zola salue avec enthousiasme le roman, et va ériger en doctrine le naturalisme, issu du réalisme. Les ingrédients qui forment le succès d'un roman naturaliste peuvent être :
a)Les fatalités de l'histoire : le roman s'inscrit dans l'histoire, il peint un âge social (du coup d'Etat de 1851 à la débâcle de 1870 dans Les Rougon-Macquart). Le repérage historique est précis, les déterminisme sociaux règlent les relations humaines.
b)Les fatalités naturelles : l'hérédité est aussi une fatalité. Le désir, les besoins vitaux jouent un rôle essentiel dans la mécanique humaine.
c)Une vision sociologique dramatisée : Zola met en scène des groupes sociaux et des parcours accomplis par des individus, marquant une ascension (Mouret, du Bonheur des dames) ou une déchéance (Gervaise, de L'Assommoir).
d)Une vision mythique : " la vérité monte d'un coup d'aile jusqu'au symbole "[7], écrit Zola en 1885. Les réseaux d'images se constituent en mythes : l'alambic de L'Assommoir est un monstre mythique ; le développement du grand magasin du Bonheur des dames illustre un mythe des temps modernes.
e)Une morale naturaliste : Zola est républicain, il a des idées socialisantes. Les luttes du peuple sont exaltées dans ses romans (Germinal). Il est partagé entre sa foi dans le progrès et sa conscience de la dureté de la vie. L'existence dans les romans de Zola apparaît comme une lutte sans merci, où les faibles, comme Gervaise, sont broyés.
En conséquence,Zola croit pouvoir établir le déterminisme absolu des phénomènes humains et manifeste sa confiance dans la
compréhension future,grâce à la science,de la "machine humaine" produite par les influences conjuguées de l'hérédité et du milieu.
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